ÉLOGE DE LA FARCE
Publié le 23/02/2023 | Grand angle

Archéologie du culot.
En 1957, dans le cadre de son émission d’actualités Panorama, la BBC consacrait un reportage de 3 minutes à la culture de l’arbre à spaghettis dans la région du lac de Lugano en Suisse. La récolte avait été particulièrement bonne cette année-là, et les agriculteurs expliquaient la nécessaire hybridation d’arbres pour obtenir des spaghettis de longueur parfaite. La voix hors- champ était celle du chroniqueur et commentateur Richard Dimbleby, alors très respecté à la radio et à la télévision britanniques. Ian Jacob (directeur général de la BBC jusqu’en 1959), aurait dit à Leonard Miall, chef de la section de télévision de la BBC : « Quand j’ai vu cette émission-là, j’ai dit à ma femme : « Je ne pense pas que le spaghetti pousse sur les arbres », donc nous l’avons cherché dans l’Encyclopædia Britannica. Vous savez, Miall, l’Encyclopædia Britannica ne mentionne même pas le spaghetti. »
En 1994, l’émission Thalassa diffuse un reportage sur la fabrication artisanale de pipes en écume. En 2008, Rue89 publie un article sur son site annonçant une mission de sauvegarde du point-virgule lancée par Nicolas Sarkozy. En 2009, la SNCF utilise la voix d’Homer Simpson dans les gares, avec des phrases humoristiques. De son côté, la plateforme YouTube affiche son interface à l’envers (vidéo, titres, commentaires) et préconise de pencher la tête, retourner l’écran ou émigrer en Australie pour régler le problème. En 2010, le site du Ministère français de la Défense annonce que la Marine nationale va utiliser des poulpes pour ses forces spéciales. En 2014, la marque de biscuits Lu annonce la sortie de Brocolu, une sorte de Figolu® au brocoli.
SAGESSES DE LA FARCE
« L’humour est une tentative de décaper les grands sentiments de leur connerie » – Raymond Queneau
POÉSIE DU RIRE
Si la farce fut un genre théâtral, elle s’est aussi glissée dans les poèmes, en particulier chez les surréalistes et les poètes français du XXe siècle.
« Ils étaient quatre qui n’avaient plus de tête,
Quatre à qui l’on avait coupé le cou,
On les appelait les quatre sans cou.
Quand ils buvaient un verre,
Au café de la place ou du boulevard,
Les garçons n’oubliaient pas d’apporter des entonnoirs.
(…)
Quand ils couraient, c’était du vent,
Quand ils pleuraient, c’était vivant,
(…)
Quand ils travaillaient, c’était méchant,
(…)
Quand ils jouaient, c’était différent,
Quand ils jouaient, c’était comme tout le monde,
Comme vous et moi, vous et nous et tous les autres,
Quand ils jouaient, c’était étonnant. »
Extrait des Quatre sans cous, Robert Desnos
FARCE THÉÂTRALE
Au XVIe et XVIIe siècles, la farce au théâtre propose un échantillonnage social assez large, des campagnes à la ville, des milieux populaires à la petite bourgeoisie. Parce qu’elle s’affranchit du sacré et des grandes esthétiques, parce qu’elle parle de corporalité, de trivialité, elle est progressivement dénigrée et méprisée afin de tracer des frontières entre les publics auxquels correspondraient des genres de théâtre et d’ériger une élite intellectuelle, contre laquelle se dressent pourtant Rabelais ou Marot.
En termes d’esthétique, la farce se tient sur des tréteaux, dans l’espace public (le théâtre de rue actuel vient de là), avec peu de décor : l’acteur et son jeu sont essentiels et portent le tout. Souvent d’ailleurs, les acteurs ont trois noms : celui de leur état civil, leur nom pour la comédie et celui pour la farce.
Les farces font fi de la morale. Et par essence, elles choquent l’idée de bienséance.
«La farce participe de l’esprit de la fête carnavalesque et met en œuvre, le temps du spectacle, le joyeux renversement ». – Charles Mazouer.
L’ART DE LA PLAISANTERIE
En Ouzbékistan, la plaisanterie est un art et s’appelle l’askiya – elle est même inscrite sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Ce genre de l’art oratoire populaire ouzbèke prend la forme d’un dialogue entre deux ou plusieurs participants, qui échangent des mots d’esprits enrobés de traits d’humour sur un thème particulier, un peu comme une joute verbale. Devenir un artiste de la plaisanterie exige un vrai travail autour de l’improvisation, de savoir raisonner, de bien connaître sa langue afin de jouer avec les mots et leurs subtilités, mais aussi d’observer attentivement le monde qui nous entoure.
L’askiya est souvent pratiqué lors des fêtes populaires, des festivités, des rituels familiaux… Il existe plus de trente formes d’askiya, avec des pratiques amateures et professionnelles. Et comment apprend-on cet art ? Il n’y a pas de livre de leçons, la transmission est orale, d’individu à individu ou dans une communauté, par des méthodes d’apprentissage traditionnelles de type maître-apprenti.
Imagine…
Nos regards se croisent. Ses yeux s’écarquillent, marquent son incompréhension. Sa bouche s’entrouvre mais aucun son n’en sort. Je dois rester de marbre, mais je ne peux réprimer un rictus amusé en l’observant. Ses lèvres se pincent, ses sourcils se froncent. Je reconnais ce pli qui se forme sur son visage. Après quelques secondes, il se détend. Son front se lisse, ses traits se relâchent. Il esquisse même un sourire, celui qui donne de jolies rides. J’attends. Oserais-je espérer un éclat de rire ?
Orane Danet
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