ON FAIT FEU DE TOUT BOIS

On n’est pas Pinocchio, mais on aime le bois, on s’en entoure, depuis la forêt jusqu’au bâton-épée que l’enfant ramène après chaque promenade.
Et comme d’habitude quand quelque chose l’intéresse, l’humanité a raconté tout un tas de trucs dessus, sans langue de bois.

UN PEU D’HISTOIRE

MAIS D’OÙ VIENT LE BOIS ?

La géologie est une sacrée science et on ne va pas revenir sur la naissance des forêts et la formation du bois ici.
Prenez donc les infos suivantes comme de la grosse grosse vulgarisation.

Les premiers arbres ligneux, les lycopodes et les fougères arborescentes, sont apparus au Dévonien, il y a environ 350 millions d’années.
C’est à partir de ce moment que des tissus spécialisés comme le xylème (qui forme le bois) ont évolué pour transporter l’eau et les nutriments des racines vers les feuilles.

En 2005, on découvre deux fossiles de plantes vieux de 407 millions d’années, dont les tiges sont faites de bois.
Cette découverte fait reculer de 10 millions d’années l’apparition du bois, la date étant désormais placée au début du Dévonien, et souligne l’importance de la lignification, un processus qui a permis aux plantes de devenir plus robustes et d’évoluer vers des formes plus complexes.

Le bois fossilisé, sous différentes formes (carbonisé, gorgé d’eau ou pétrifié), peut défier le temps géologique.
Ces processus de fossilisation permettent au bois de se conserver pendant des millions d’années, nous offrant ainsi des témoignages précieux de l’évolution des plantes.

Aujourd’hui, chaque espèce d’arbre produit un bois avec des caractéristiques uniques — densité, couleur, texture, résistance — qui dépendent de son environnement et de son évolution au fil du temps.
Cela montre à quel point le bois est intimement lié à l’histoire évolutive des plantes et à leur adaptation à leur environnement.
Chaque arbre porte en lui une histoire qui remonte à plusieurs centaines de millions d’années.

ÉTYMOLOGIE

Les Grecs anciens nommaient le bois « xylos ».
Ainsi, la xylologie est la science du bois, et une xylothèque est une bibliothèque du bois — ou plus précisément un lieu où est conservée et consultée une collection d’essences de bois.

LE BOIS DANS LES CULTURES ET LES RITUELS

Qu’est-ce que nos cultures, croyances et rituels racontent de notre rapport au bois ?
Avant toute chose, précisons que cela fait des siècles que l’humanité se soucie des forêts et du bois.

Ainsi, au XIVᵉ siècle, l’ordonnance de Brunoy intimait :

« Les maîtres des eaux et forêts enquerront et visiteront toutes les forez et bois et feront les ventes qui y sont, en regard de ce que lesdites forez se puissent perpétuellement soustenir en bon estat. »

Cette politique de préservation de la forêt restera une constante de l’histoire de France, notamment avec Colbert et son ordonnance de 1669.
Elle est reprise aujourd’hui dans le concept de développement durable.

Chez les Celtes

Brigid, déesse du feu, de la poésie, de la guérison et de la métallurgie, était associée aux arbres et aux forêts.
Le bois de l’aubépine lui était sacré. En Irlande, le Feu de Brigid, allumé dans des foyers en bois, symbolisait la vitalité et la création.

Chez les Grecs

Dionysos, dieu du vin, de la fête et de la fertilité, est aussi lié aux arbres, en particulier à la vigne.
Le bois servait à fabriquer le thyrse, bâton rituel symbole de fertilité, d’exubérance et d’harmonie avec la nature.
Il représentait la transformation et la libération spirituelle, essentielles aux rituels dionysiaques.

En Amérique du Sud

Les chamans utilisent des bâtons de pouvoir en bois sculpté, ornés de plumes, pierres ou symboles.
Chaque essence est choisie pour ses propriétés spirituelles : le cèdre pour la purification, le saule pour l’intuition et la guérison.
Le bois est vu comme un matériau vivant, sacré, capable de canaliser les énergies de la nature et de l’univers.

En Chine

Le bois fait partie des wuxing, les Cinq Phases — feu, eau, bois, métal et terre — qui structurent la cosmologie traditionnelle.
Symbole de croissance et d’élan vital, il incarne la capacité à se redresser et à renaître.

« Il est dans la nature de l’eau d’humidifier et de couler vers le bas ; dans celle du feu de brûler et de s’élever dans les airs ; dans celle du bois d’être courbé et redressé ; dans celle du métal d’accepter la forme qu’on lui donne ; dans celle de la terre de se prêter à la culture et à la moisson. »
(Hongfan, trad. Anne Cheng)

 

ON TOUCHE DU BOIS

L’expression « toucher du bois » trouve ses origines dans l’Antiquité.
En 600 avant J.-C., les Perses pratiquaient le mazdéisme et vénéraient Atar, génie du feu.
Le bois, instrument du feu sacré, devenait symbole de protection : le toucher, c’était s’attirer ses bonnes grâces.

Au Moyen Âge, la symbolique chrétienne renforce celle du bois — matière de la croix du Christ — et en fait un geste de foi et de confiance.

« Oh je ne suis pas superstitieux mais je voudrais toucher du bois pour ne pas le devenir. »
Jacques Prévert, Histoires et d’autres histoires

 

L’ESSENCE, L’ARBRE ET LA FORÊT

Tout un tas de gens travaillent le bois, depuis le forestier jusqu’au designer en passant par le parquettiste.
Et tous ont un rapport personnel à la matière.

André Schmitt, forestier à l’ONF, raconte :

« J’habitais dans une maison forestière isolée au cœur du massif. Je me levais, j’avais déjà la forêt devant moi, j’entendais le chant des oiseaux, je voyais le gibier passer… La forêt, c’est un lieu d’accueil, et un poumon. On a hérité d’une forêt, et il faut la transmettre. C’est un don de soi. »

Côté artisans, chacun a son bois préféré.
Le mélèze s’auto-protège, le chêne revient en force, le hêtre garde son élégance.
Comme le disent deux designers :

« Le bois n’est pas un matériau du passé. Il est vivant, chaleureux, accueillant. Quand on regarde une planche de bois, c’est un paysage — les cernes, les années passées les unes après les autres. »

QUEL ARBRE ES-TU ?

En astrologie celtique, ce sont les arbres, plutôt que les étoiles, qui racontent ce que nous sommes.
Chaque être est lié à un arbre, protecteur selon la saison de naissance : chêne, hêtre, olivier, bouleau…
Cherche le tien et découvre ce qu’il dit de toi.

POÈME – Imagine, par Orane Danet

Je suis venue tôt, pour la rosée du matin.
L’air était frais, le vent sur les arbres soufflait.
D’un pas décidé j’ai traversé la forêt,
Pour visiter tes paysages quotidiens.

Toi, tu connais chaque feuille sur ton chemin,
Chaque branche qui sous tes pieds craquait.
Mais une vague de froid tente désormais
De te déraciner de ta route de pins.

L’hiver s’est pointé, depuis si longtemps déjà.
Dans la cheminée, pour que toutes brûlent là,
Hier on a jeté les dernières bûches à deux.
Tu observes loin devant toi, tandis que moi,
Je regarde les flammes danser dans tes yeux.

Pour te réchauffer, on fera feu de tout bois.