DANS LA FORÊT PROFONDE
Publié le 12/05/2022 | Grand angle
Depuis des millénaires, la forêt traverse nos imaginaires et participe de nos histoires communes. Théâtre de mythes, contes et autres légendes à travers les continents, ses lisières deviennent rites de passage et ses mystères transfigurent nos peurs. À l’orée de l’été, Bibouille vous emmène donc en promenade en forêt.
BOIS SACRÉS
À travers l’Europe, les peuples celtes, germaniques et scandinaves consacraient les forêts à leurs dieux. Ils admettaient l’existence de divinités forestières qui faisaient leur séjour dans ces profondeurs ténébreuses et veillaient sur les arbres. Ces bois sacrés trouvaient également leur place dans la mythologie grecque et romaine.
CHASSE & TROUPEAUX
Il était dit que des divinités habitaient au fond des forêts sacrées et veillaient sur les arbres et la nature. Pour les Grecs c’étaient les Dryades, Pan, les Napées et Artémis, la déesse de la chasse. Chez les Romains, ces mêmes divinités s’appelaient les Sylvains ou les Faunes. C’est aux premiers de ces dieux que les paysans latins adressaient des prières pour la conservation de leurs troupeaux.
HERCYNIE ET MIRKWOOD
Le culte des forêts, des arbres et des bocages se rencontre également chez les populations germaniques. Les troncs séculaires des chênes de la forêt Hercynie, vaste forêt primaire qui a éveillé la curiosité de Jules César, de même que ceux des forêts druidiques, recevaient les vœux, les offrandes et les sacrifices des peuples qui les visitaient. Dans la mythologie nordique et germanique, Myrkviðr (en vieux norrois « bois obscur, bois sombre » ou « forêt noire ») ou, sous une forme anglicisée, Mirkwood ou Myrkwood est le nom de plusieurs forêts. Les dérivés directs de ce nom se retrouvent comme nom de lieu tant en Suède qu’en Norvège, et des formes dérivées du nom se retrouvent ailleurs en Europe, le plus célèbre étant la Forêt-Noire (Schwarzwald). Mirkwood peut donc être un terme générique pour les forêts sombres et denses de l’ancienne Europe.
DU DRUIDISME À LA CULTURE POPULAIRE
Le souvenir de ces forêts sacrées, hantées par des dieux qui furent transformés en démons après l’établissement du christianisme, de ces forêts où se réunissaient les Druides, les Semnothées, les Eubages, les prêtres de Thor et de Jupiter réduits plus tard à la condition de magiciens et de sorciers, a fait naître l’idée de ces forêts enchantées, qui occupent une si grande place dans le merveilleux actuel.
TU CROIS EN LA MAGIE ?
En France, la forêt a façonné le paysage et par là tissé des légendes et des croyances. Parmi les plus connues, Merlin l’enchanteur à Brocéliande, la forêt de Mercoire habitée par la bête du Gévaudan et la fée Mélusine dans la forêt de Mervant-Vouvant.
MERLIN L’ENCHANTEUR, BROCÉLIANDE
Faiseur de rois, barde, médecin, sauvage, chef de guerre, Merlin parle le langage des animaux et chevauche à la tête d’une armée de cerfs. Les forêts restent le lieu où il se réfugie pour redevenir lui-même après la folie des hommes. Il interprète les signes et lit dans les étoiles. Il devine ce qui est caché, et voit l’avenir comme le passé. Ses élèves magiciennes sont toutes des femmes, dont Morgane et Viviane. Lorsque Merlin livre à Viviane le secret qui va le faire prisonnier, il connaît les pensées de la fée des eaux. Il sait depuis longtemps son propre destin : vivre son éternité auprès de sa bien-aimée, au cœur de la forêt de Brocéliande.
IMAGINE
Il suffit parfois de s’arrêter, même un instant. Toucher l’air frais d’une inspiration, apprécier le vent qui coule entre nos doigts et nous postillonne dans les oreilles. Le temps semble alors ralentir, pour nous laisser profiter un peu. Les minutes deviennent des heures, ou peut-être est-ce l’inverse. On ne sait plus. En tendant le nez, on entend la pluie dans nos cheveux se vanter d’un parfum dont elle seule peut nous embaumer. Un moment de répit, et puis tout reprend.
Orane Danet
CULTURE POPULAIRE
Le loup attend le petit chaperon rouge au coin du bois, le Petit Poucet et ses frères y sont abandonnés, Blanche-Neige y est conduite par le chasseur… La forêt est un élément consubstantiel au conte et souvent les deux se confondent. Et si les contes semblent appartenir au passé, ils continuent pourtant d’influencer nos références actuelles.
LES FORÊTS MAGIQUES DU SEIGNEUR DES ANNEAUX
L’œuvre de J.R.R. Tolkien fait écho à la littérature arthurienne, aux sagas islandaises, aux légendes celtiques, aux Eddas scandinaves, grecques et latines, dans lesquelles la forêt tient une place prépondérante. Ainsi la Vieille Forêt abrite Tom Bombadil, L’Aîné qui était ici avant la rivière et les arbres, qui se souvient de la première goutte de pluie et du premier gland. Ainsi la Forêt Noire (Mirkwood en anglais) est dirigée par un roi Elfe au Nord et un nécromancien au Sud, et faisait autrefois partie de la vaste forêt primitive qui couvrait la majeure partie de la Terre du Milieu pendant les Années des Arbres, Premier Âge de la Terre. Ainsi enfin, la forêt de Fangorn, demeure des Ents, les esprits de la forêt, créatures à l’apparence d’arbres qui sont le peuple le plus ancien de la Terre du Milieu. Toutes les forêts de l’univers de Tolkien sont anciennes et inquiétantes, elles échappent au contrôle des hommes et sont les témoins des époques qu’elles traversent.
LA VIE SAUVAGE DES FORÊTS D’HAYAO MIYAZAKI
Le rapport à la nature est inhérent à l’œuvre du réalisateur Hayao Miyazaki. C’est dans Nausicaa et la vallée du vent et Princesse Mononoké que la forêt y joue un rôle central, celui de l’origine du monde et d’un point d’équilibre du vivant. Véritable matérialisation des relations complexes que la nature et l’Homme entretiennent, la forêt est tour à tour source d’émerveillement, de crainte, bienfaisante et impitoyable. A travers la représentation d’une nature sauvage et d’une société humaine prêtes à tout pour se défendre, Miyazaki propose la réconciliation entre l’homme et la nature, une coexistence pacifique faite d’équilibre. Par ailleurs, Miyazaki a souvent répété que selon lui, une pensée religieuse demeurait vivante chez de nombreux Japonais. L’idée qu’au cœur des forêts se trouve un lieu pur et sacré, que l’homme n’a pas le droit de fouler. Un lieu où jaillit une eau de jouvence, où le silence est préservé, où chacun voudrait retourner après sa mort.
PROMENONS-NOUS DANS LES BOIS
Repaire de brigands, abri des bêtes féroces, la forêt devient nourricière et guérisseuse pour les ermites ; cependant elle accueille aussi les sorcières et les bannis. La forêt est un lieu magique qui permet toutes les rencontres : êtres surnaturels, êtres mystérieux, l’autre, soi-même. La forêt est multiple : elle protège Blanche Neige et menace Yvain, le chevalier au lion, en le rendant pratiquement fou. En Amérique du sud, inextricable et dévoreuse, la forêt vierge inquiète les hommes ou offre asile au peuple des Invisibles.
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